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SENSVIT LE POVRTRAIT DE L’AV- TRE: A SAVOIR , D’VN Veau-Moine nay en ceſte façon en la ville de Friberg au pays de Miſne,l’an M.D.XXVIII.

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Engraving of Moonk Calfe
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Interpretatiõ de Mar TIN LVTHER DV MON -ſtre en figure de Veau-Moine, pourtrait en la page precedente.

QVANT à l’interpretation Prophetique de ce Veau-Moine , ie la lerray à l’Eſprit: car ie ne ſuis pas Prophete. Toutesfois on peut bien affermer cecy en general de plu -ſieurs telles merueilles,que Dieu les enuoye cõme preſa -ges de triſtes aduentures,d’eſmotions,bruits,troubles,eſ -branſlemens à venir . Et i’exhorte la Germanie de ſe pro mettre hardiment,& d’attendre pour certain de telles ve nues.Mais de determiner les euenemens,& predire com bien de temps ils dureront,ou en quel temps aduiendra la deliurance,cela eſt à faire à Prophetes.

De moy , ie deſireroye volontiers que le dernier iour fuſt prochain:ce que ie pẽſe außi,que les iours ou nous ſom mes ſont comme auant-coureurs de ce iour bien-heureux, lequel ne tardera gueres apres : & me ſemble bien que la cauſe que i’ay de l’eſperer ainſi,n’eſt pas friuole ne legere. Et de fait,par cy deuant il y a eu preſque vne continuation de quelques ſiecles,auſquels on a touſiours veu des choſes prodigieuſes & dignes de grande admiration:& auiour -dhuy tout le monde bruſlant d’vne ardeur terrible,conçoit des eſmotions fort pernicieuſes,leſquelles couſtumierement ne 31 DV VEAV-MOINE. 31 ne s’appaiſent point ſans grans chãgemens & alienations notables des royaumes. Ioint que la lumiere de l’Euangile eſt maintenant reſplendiſante d’vne façon excellente , la -quelle a accoustumé d’apporter ordinairemẽt auec ſoy des mutations,troubles & orages,à cauſe de l’obstination en -durcie,& des rages furieuſes des meſchans.

Et certes ie ne parleray que des choſes qui ſont bien cer taines:& monſtreray pourquoy Dieu a propoſé vn tel ſi -gne en ce Veau-Moine, & pour quelle raiſõ il a ſouillé l’ha bit religieux d’vne ſi vilaine macule:veu que ſans vn habit de Moine il pouuoit ſe ſignifier & denoncer les maux à ve nir außi proprement par q̃lque autre prodige . Ainſi donc il n’y a pas fort long temps que par ſa volonté , naſquit à Langdsberg vn certain Chanoine-Veau,ouMoine-Veau. Il declare bien par cela,que tous religieux & Moins doy -uent auoir les yeux là fichez,& que luy á l’œil ſur eux,& qu’il a deliberé de les punir : car ceſte année-cy il n’a voulu vſer d’autres miracles, que de ceux qui s’addreſſent à tel -les gens ſacrez & ſpirituels.

Or depeignant iadis ce monarque excellent Alexan -dre Roy des Macedoniens ſous la figure d’vn Bouc , Da -niel VIII,outre l’interpretation Prophetique de la deſcon -fiture à venir : il a außi voulu figurer ou repreſenter la na ture des Grecs,qui ſont ſafres & lubriques cõme les Boucs. Et tout ce qu’ils auoyent basty ou conceu en leur eſprit, tant haut & difficile fuſt,ils eſperoyẽt en venir à bout,& y paruenir par bons conſeils,par grande viuacité d’eſprit. 32 32 M. LVTHER Semblablement en ceste figure de ce Veau-Moine,ou -tre la declaration Prophetique,il y a außi vne image ou fi -gure de la vie, de la doc͡trine , des ſeruices & obſeruations des Moines: & poßible est qu’auec cela il y a vn aduertiſ -ſement de la cauſe des calamitez bien prochaines. A ſauoir, que les ſuperſtitiõs, Les superstitions des Moines font croistre les punitions Diuines les fallaces & meſchancetez des Moi -nes font croiſtre les punitions,d’autant que par la doc͡trine Phariſaique des œuures,ils abolißẽt la foy qui eſt en nostre Seigneur Ieſus Christ, & transforment en chair de Veau le cœur humain, qui deuoit eſtre le temple du ſainc͡t Eſprit. Au reſte,qu’vn autre tire le ſensProphetique:de moy,pour faire plaiſir à mon ordre, i’ay entrepris d’interpreter mon Moine-Veau : le Chanoine-Veau aura vn autre pour ſon expoſiteur.

Or tant plus volontiers pren-ie la charge de faire ceſte declaration , que ie voy bien que les courages obstinez & plus durs que rochiers de ceux qui ſeront taxez ou piquez de ceſte mienne explication,en ſeront tant plus naurez,& en deuiendront plus aigres . Comme de fait ils deſpriſent arrogamment tout ce qui ſort de ma bouche , & babillent par tout que toutes mes paroles ſont autant de crachats de heretiques. Interpretation faite pour endureir dauantage ceux qui n’adioustent foy aux aduertissemens des fideles. Pour ceste raiſon ils ne doyuent point außi maintenant adiouſter foy à mes aduertiſſemẽs , mais s’en -durcir & ſe rendre obſtinez de plus en plus,s’aheurter & ſe tẽpeſter plus que iamais,à ce qu’ils ne paruiennent point à la cognoiſſance de verité , & ne delaiſſent leur vie orde & meſchante . comme il est dit en Iſaye chapitre ſixieme, Aueu- 33 33 DV VEAU-MOINE. Aueugle le cœur de ce peuple,appeſanty ſes oreilles , fer -me ſes yeux : afin que parauenture il ne voye de ſes yeux, & qu’il n’oye de ſes oreilles , & entende de ſon cœur , & qu’il ſe conuertiſſe,& que ie le gueriſſe.

Tout ainſi donc que Balaam n’a peu nullement obtem -perer à la parole de Dieu, Papistes endurcis à lexemple de Balaam. & combien qu’il fuſt redargué par ſon Aneſſe parlante en voix humaine,neantmoins n’a peu eſtre amendé: außi on peut dire le ſemblable de ces Pe res venerables, qui ont iuſques à preſent estoupé leurs o -reilles à la voix treſclaire de la verité Euãgelique. Main -tenant ils ſe doyuent contempler eux-meſmes en ce Veau & en la vache,comme en vn miroir,& conſiderer quels ils ſont deuant Dieu, & quelle reputation & quelle voix ils ont au ciel. & toutesfois ils doyuent fermer les yeux à ce qu’ils ne voyent rien de tout cecy , dont ils puiſſent auoir quelque repentance, pour fuir ou euiter le iugement hor -rible de Dieu. Car il n’y auoit ne remonſtrance , ne paro -le , ne ſigne qui peust eſmouuoir ou flechir l’endurciſſe -ment de Pharaon. Endurcis a l’exemple de Pharaon.

En premier lieu,afin que ie diſe tout en vn mot,ne pen ſez point que ce ſoit vne moquerie ou quelque fable con -trouuée à plaiſir,que Dieu a veſtu vn Veau d’vn habit re -ligieux,& d’vn capuchon de Moine. Il ne faut point dou -ter qu’il n’ait voulu par vne telle image ou figure denoter quelque aſſemblée , de laquelle on puiſſe bien tost & clai rement cognoiſtre, que la moinerie n’eſt rien qu’vne vaine apparence La moynerie est vne vaine apparence. & vn fard de pieté,& vne hypocriſie externe E. 34 34 M. LVTHER d’vne vie ſainc͡te & approuuée de Dieu. Car iuſques à preſent nous autres poures & miſerables hommes auons eu ceste opinion , que le S. Eſprit habitoit ſous le froc, & que ceſt habit ne couuroit rien que l’Eſprit.

Mais Dieu reuele icy , qu’il n’y a rien ſous cest habit qu’vn Veau.Comme s’il vouloit monſtrer qu’il y a vn ſer -pent caché ſous l’herbe. Le Veau d’or d’Aaron. Car le Veau d’or d’Aaron,fondu au deſert,auquel le peuple d’Iſrael preſentoit des hõneurs appartenans à Dieu, Exode chapitre trentetroiſieme,en -ſeigne ouuertement ce que le Veau peut ſignifier. Il eſt dit au Pſeau.cent ſixieme,Ils ont mué leur gloire en ſimilitude d’vn Veau mangeãt l’herbe. Il eſt parlé außi des veaux de Ioroboã,faits en Bethel & Dan, I.Rois chapitre douzie -me,contre leſquels les Prophetes ont crié ſi aſprement.

En ceſte meſme façon qu’on iette vn peu les yeux ſur ce Veau-Moine,comme ſon capuchon repreſente ici vne fi -gure de tout l’ordre des Moines , auectous leurs ſeruices diuins & obſeruations , deſquelles ils font ſi grand cas: comme de leurs pate-nostres tant de fois repetées , de la foire de leurs Meſſes, de leurs beaux chants & iuſnes,& autres choſes ſemblables . Mais à qui est preſenté tout ce beau ſeruice?qui en eſt hõnoré?de qui depend-il?à qui eſt -il attache?Au Veau. Car le Veau est vestu & paré du froc,comme on le voit icy . Est quest-ce que de ce Veau? Le Veau est l’idole forgée aux sprits des Moines. C’est vne idole forgée & controuuée , reſidente en leurs eſprits pleins de fallaces. Comme est-ce que ces choſes ſe font?Elles ſe font ainſi , Ces venerables ont vne perſua ſion 35 DV VEAV-MOINE. 35 -ſion ou vne opinion imprimée en leur entendement , qu’en leur religion monachale & ſolitaire ils ſeruent & rendent obeiſſance au ſeul vray Dieu, La religion des Moines bastie sur ceremonies & œuures externes. laquelle religion ils ont con -ſtituée en ceremonies & obſeruations de quelques œuures externes,pour leſquelles ils penſent qu’ils ont bien merité le ciel : & non point en la certitude & fiance qui embraſſe le benefice de Ieſus Chriſt.

Or est-il ainſi qu’il n’y a aucun Dieu, ſoit au ciel ou en la terre,qui veuille estre ainſi ſerui & adoré,ſinon le dia -ble & les idoles . Car nul ne peut ſeruir ny obeir au vray Dieu,ſinon en eſprit & verité,Iean quatrieme: c’est à di -re,en foy & vrais & ſpirituels mouuemens de l’eſprit,leſ quels le S.Eſprit crée,ſuſcite & viuifie en nous, Eſa.chapi tre L V . Parquoy ces faux religieux ne peuuent offrir à nul leurs ſeruices , Le ſervice des Moines ne peut profiter à nul. leſ quels ils couurent du nom de Dieu ce pendant ſe destournans de toutes les ordonnances & ma -nifeſtations Diuines,& ne les peuuent rapporter ny adreſ ſer , ſinon en applaudiſſant & flattant leur vaine imagi -tion,laquelle ils ont forgée en leur cerueau, ſongeant que tels ſeruices & obſeruations ſont agreables à Dieu. Vne telle folle imagination n’eſt que menſonge & vne idole for gée en leurs cœurs,ny plus ny moins que les Payens ou les Iuifs ſe forgeoyent des dieux estranges . Voici, c’eſt-ci le Veau:c’eſt-ci l’impieté: c’eſt-ci la charnelle opiniõ couuerte d’habit religieux:c’eſt-ci l’idole à laquelle ils ſont attachez, laquelle ils embraſſent & ornent de la beauté des ceremo -nies & contenances,& d’vne forme notable de paremens. E. ii. 36 M. LVTHER 36

Or le Veau ne vit que d’herbes . cartels hypocrites n’ont nulle cognoiſſance des biens eternels, ains s’engraiſ -ſent des delices de la vie preſente: Que c’est d’estre nourri d’herbe. comme on void manife -ſtement que les puiſſances le plus floriſſantes, le plus am ples richeſſes, les plus grandes voluptez, & les plus hau -tes dignitez & honneurs ſont pardeuers les gens d’egli -ſe, comme on les appelle.& ainſi ces veaux ont trouué des herbes ſelon leur gouſt. Et ceci leur est aduenu, qu’ils ont changé leur gloire en vne ſimilitude de veau mangeant le foin. Car Chriſt eſt noſtre vraye gloire, en qui il nous fau droit triompher,glorifier & reſiouir. ceux-ci au rebours cerchent vne autre gloire en leurs cœurs,& ſe vantent or -gueillensemẽt de la confiance de leurs merites & œuures. Vn tel veau eſt ſuccedé au lieu de Ieſus Chriſt: & en vſur pant le nom d’iceluy, il le blaſpheme & deshonnore. Qui ſigniſie la peau de ce Veau deſchiquettée.

Secondement , l’habit monachal deſchiré par taillades à l’entour des cuiſſes, & és pieds & au ventre, ſignifie que en ceſte religion ſolitaire & en ces ceremonies & obſerua -tions pleines de fallaces , il n’y a rien d’accord,ou qui s’en -tretienne,ou qui ſoit entier: & toutesfois la ſaincte Eſcri -ture requiert ceci ſingulierement & auant toutes choſes, que les Chrestiens & fidelens ſoyent bien vnis. Comme il eſt dit au Pſeaume cẽt treizieme, O que c’eſt choſe bõne & bien delec͡table,que les freres ſoyent de bon acord habitãs enſemble ! Mais ces eſprits freneriques, ſuperſtitieux & irreligieux ont bien ſeu forger & controuuer autant de differences de ſec͡taes & opinions, qu’il y a eu de diuers veſtemens 37 DV VEAV-MOINE. 37 veſtemens & habits entre eux. Les Cordeliers magni -fient leur ordre : les Iacopins maintiennent leur reigle : les Le froc diuiſe en pluſiers ſec͡tes. Benedic͡tins ne veulent nullement perdre leur bonneur: les Auguſtins tirent du coſté droic͡t, les Chartreux du gauche: les Celestins tiennent leur reng : brief, il n’y en a pas vn à qui ſon froc ne ſemble estre beau . Ainſi voyons-nous que le froc est deſchiré par bribes à l’endroic͡t de cuiſſes & és pieds de ce Veau : combine que tous ſoyent d’vne meſme volonté & s’accordent bien,entant que touche l’accouſtre -ment & parement du Veau: c’eſt à dire,combien que tous nourriſſent ceste opinion obstinée en leurs cœurs: à ſauoir, qu’ils doutent ou ſe defient de la miſericorde de de Dieu: & au contraire s’appuyent ſur la fiance & aſſeurance char nelle de leurs œuures,ſelon leurs obſeruations.

On cognoiſtra ceci encore plus clairement, ſi on entend la fin & extremité par les cuiſſes,Le cuiſſes ſignifient l‘extremité. & ſi on veut des pieds en faire des porte-faix, deſquels ce Veau, c’est à dire ce -ſte fauſſe maſque, eſt ſouſtenue. Cariamais il n’y eut tant de ſectes, tant de familles, tant de differences, tant de noms, tant d’ordres, ou plustost deſordres introduits, qu’on en a veu de nostre temps, quand la fin en est prochaine, & que ceſte boſſe doit creuer : puis que la vanité & les fallaces ſont deſcouuertes,außi verrons-nous tomber bas toute ce -ste infec͡tion.

Les pieds donc ſignifient ces hardis freres & autres,Que ſignifiẽt les pieds de ce Veau. ces Sophiſtes, & nos maistres venerables qui ont préemi -nence par deſſus les autres:& qui ſont les plus audacieux 38 M. LVTHER 38 & les plus ſauans cloistriers, leſquels ſauent bien conſer -uer, amplifier & establir la dignité & grande autorité de ceste religion monachale, ou par eſcrits, ou par predica -tions, ou par lec͡tures, ou par disſutations, ou par doc͡tri -ne:& employent toutes leurs forces à cela, & l’impriment dedens les cœurs de leurs gens par tous les lieux du mon -de. Quelque choſe qu’il y ait,ſi eſt-ce qu’ils diſcordent en -tre eux: & autant qu’il y a de testes entre eux, autant yLes moines diſcordans en opinions. a il de diuerſes opinions.

Tiercement, ce Veau repreſente de tous coſtez les ge Le Veau contrefait le Moi ne preſchant. stes & contenances d’vn preſcheur. Car il est leué & ſe tiẽt ſur ſes pieds de derriere:& des deux pieds de deuãt il iette le droit à la façon d’vn prescheur, & retire le gauche: il a la teste leuée : il tire la langue hors : il n’y a rien en luy qui ne repreſente ces grans criars en chaire.

Tout ainſi donc que l’Aſne-Pape a eſté vne image & figure du royaume Papiſtique, außi ce Veau-Moine repre ſente au vif les apostres & diſciples du Pape, en ſorte que Les Moines, apostres du Pape. tout le monde voit bien quels dosteurs ou preſcheurs il a ouy iuſques à preſent, & quels il oyt encores auiourdhuy. Car pourroit-on trouuer vn apostre plus propre pour le cerueau d’vn Aſne, que la teste d’vn Veau? C’eſt vn cou -uerde propre pour le pot. Le gouuernement charnel por -te par tout vne doc͡trine charnelle. Et pourtant le veau eſt encore ſans yeux,pour figurer ceux deſquels Ieſus Christ dit en S. Matthieu chapitre vingttroiſieme, Malheur ſur vous Scribes & Phariſiens, conduc͡teur aueugles. Et Eſaie chapi 39 DV VEAV-MOINE. 39 chapitre cinquanteſixieme, Ses gardes ont eſté aueugles, tous ont esté ignorans: les pasteurs meſmes n’ont ſeu que c’eſstoit d’intelligence.

On pourroit bien proprement accommoder beaucoup d’autres choſes en ce monstre aux Moines & Sophistes. Comme ceci,L’oreille attachée au froc,ſignifie la tyrannie inſupportable des confeßiõs, par laquelle ils iettent les poL’aureille denote les confeßions. -ures conſciences en la geule du diable, & les mettent en v -ne terrible torture.

La langue ſortant dehors, ſignifie que toute leur doLa Langue -c͡trine n’est autre choſe que l’angue: c’eſt a dire, vn babil af -fetté,& parolles friuoles.

Les deux petis pois ſe monſtrans ſur le test deuoyentLes deux grains de pois. eſtre deux cornes.Et les cornes ſignifient la predication de l’Euangile, lequel nous aſſuiettiſſant à la croix, briſe le vieil homme:Michée chapitre quatrieme, Ie mettray la cor ne de fer, & tu briſeras beaucoup de peuples.

Or toutefois ce Veau-ci n’a point de cornes, mais ſeu -lement quelques apparences qui n’apparoiſſent gueres.Les Moines destournent la predication de l’Euangile aux traditions humaines. Car combien que ceux-ci ſe vantent de ce tiltre, qu’ils ſont doc͡teurs de l’Euangile: toutesfois ils le retreignent & le destournent ſottement aux traditiõs humaines. Ainſi donc du ſommet de la teste, qui est chauue, ſortent deux petis pois. Car il couure du tiltre de l’Euangile tout ce qu’il luy plaiſt & ne peut ſouffrir que l’Euangile ſorte hors de ceſte pelure:mais il faut qu’il cõuienne & s’accorde à la sainc͡te -té de ceste teste rase: & principalement quant au Pape, 40 M. LVTHER 40 qui est le chef de toutes ces testes pelées.

Quant à ce que le capuchon tient ſi ferme à l’entour Le capuchon attaché au col du col, cela demonſtre l’obſtination incroyable de la ſuperſti tion & des erreurs de ces cagots, touchãt les obſervations & ceremonies monaſtiques. Comme de fait ils ſont plon -gez & fichez ſi profondement dedans telles ordures,que il n’y a ne vertu ne force, ne ſplendeur de la verité Chre -ſtienne, tant grande ſoit elle, qui les en puiſſe tirer hors pour regarder la lumiere.

Or que le capuchon ſoit attaché au dos, & que vers leLes moines retiennent le capuchon, & laiſſent biens tranſitoires. ventre il apparoiſt deſcouſu, ſignifie que ceux-cy donnent ſemblant de pieté en habits exterieurs: & eſt ſous ombre qu’ils quittent & laiſſent tous biens tranſitoires. mais s’il faut venir à Dieu, & ſi on les confere à la vie eter -nelle, on trouuera que ce ſont des ventres nuds, & des far deaux inutiles,pour conſumer le bien de la terre, voire cõ -mettans toutes enormitez:dont i’aime mieux me taire.

Quant à ce que les machoeres de deſſous ſemblẽt aux machoeres d’vn homme, & celles de deſſus auec les na -reaux à celles d’vn veau, cela ſignifie qu’en leur doc͡trine on parlera bien aſſez ſouuent des œuures ciuiles de la loy Diuine: mais ce pendant il n’y a rien qui ne ſente le veau: c’est à dire,que la diſcipline, iuſtice & les vertus philoſo -phales y ſont exceßiumẽt louées.

Car les deux leures de la bouche ſignifient deux ſor -tes de doc͡trines. La leure baſſe ſignifie l’explication de la Loy:celle de deſſus la predication de l’Euangile & des promeſſes 41 DV VEAV-MOINE. 41 promeſſes Diuines.Mais au lieu de l’Euangile & de la pro meſſe touchant la reconciliation faite par Ieſus Christ, ils preſchent la bouche du Veau : c’est à dire, ils preſchent les grandes & belles recompenſes qui ſont données au cielPreſcher la bouche du Veau. pour les œuures humaines faites diligemment, mais ſans foy.

Finalement ce Veau n’eſt point velu en quelque part que ce ſoit, & n’a point de poil comme les autres Veaux Le Veau ſans poil. ont accouſtumé d’auoir. Cela ſignifie la belle & reluiſante hypocriſie, par laquelle ces cagots ont deceu tout le monde: tellement qu’eux, qui ſont cruels homicides des ames, & ſuppoſts enragez du diable, ont toutesfois eſté eſtimez Pe res ſainc͡ts & ſpirituels.

Or toutes ces choſes ſont maintenant manifestées ou -uertement par vne claire lumiere: ce Veau eſt ſorty hors Le Veau hors du ventre de ſa mere. des cachettes du ventre de ſa mere. Ils ne ſe pourront plus retirer en vn lieu caché & ſecret de deuant les yeux des hommes, ne ſi bien faire qu’on ne les apperçoiue.Ils ſe bou cheront tant qu’ils voudront,mais cela ne fera point que le maſque ne leur ſoit arraché, & qu’ils ne ſoyent tirez en lu miere, & leur turpitude ne ſoit deſcouuerte, afin que tous les monſtrent au doigt.

Or ie laiſſe en la liberté d’vn chacun de iuger de cesteL’expoſition du Veau, ferme & fondée ſur les Eſcritures. interpretation. Car encore que l’expoſition ne fust aſſez propre,neantmoins elle eſt de ſoy aſſez ferme & tresbien fõdée ſur teſmoignages de la sainc͡te Eſcriture,que la moi -nerie eſt telle à la verité que nous l’auons deſcrite.Comme 42 M. L. DV VEAV-MOINE. 42 ainſi ſoit donc que ce Veau s’accorde & conuienne propre -ment auec les oracles Diuins , qu’vn chacun regarde dili -gemment & aduiſe bien que c’eſt qu’il meſpriſera, quand il meſpriſera & reiettera ceſte mienne interpretation. En ce monſtre il y a vn aduertiſſement aſſez & plus que ſuf -fiſant, pour nous faire entendre q͂ Dieu eſt courroucé cõtre Dieu courroucé cõtre les obſeruations des moynes. les obſeruations monachales. Car s’il les aimoit, il eſt bien certain qu’il eust reuestu le froc d’vne plus honneſte figu -re.Et il faut bien dire que par vne telle figure monſtrueu -ſe n’est point denoté quelque hõme ſeul: mais vne aſſocia Que denote la figure du Veau. -tion,ou vn conuent, ou vne frairie, ou vn gouuernement de pluſieurs, ſelon la nature & condition de toutes les vi -ſions, deſquelles eſt faite mention en la sainc͡te Eſcriture, Daniel chapitre huitieme.

O vous Moines & Nonnains, donnez-vous garde, vostre affaire est icy traité à bon eſcient: & ne reputez point qu’vn tel aduertiſſemẽt de Dieu ſoit vn ieu de bate -lerie ou enchantement. Appaiſez Dieu d’autres oblations & ſacrifices que ceux que vous auez:ou bien abandonnez vos conuents, & iettez moy vos frocs, & retournez à ce pourquoy vous estes naiz, & ou vous estes appelez de Dieu, auant que ceste occaſion que Dieu vous preſente ſe eſuanouiſſe. Car apres cela,quand vous voudrez vous ne pourrez: maintenant que vous le pouuez bien faire, vous ne le voulez pas.

Or ſur tous ie ſupplie affec͡tueuſement les nobles fa -milles, & tous gentils-hommes, qu’ils veuillent deliurer leurs 43 43 leurs enfans & couſins & autres parens, ou ceux deſquels ils aiment le ſalut, d’vne telle vie ſi horrible & ſi perilleu -ſe,comme d’vne priſon fort faſcheuſe. Pẽſez qu’ils ne ſont point encore hors des liens du corps humain: & qu’ils ſont obligez à la communion des hommes, & à la loy de natu -re außi bien que les autres hommes. Car ceci n’est point ottroyé à la nature, qu’vne si grãde multitude de gens non mariez ſe puiſſe contenir, & viure honnestement & cha -ſtement:ou qu’ils ſe puiſſent de leur bon gré & volontiers paſſer du mariage. De moy, i’ay bien voulu faire ce qui e -stoit en moy & de mon office, & vous aduetir außi de bonne heure.

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Title: De deux monstres prodigieux, à savoir d'un asne-pape qui fut trouvé à Rome en la rivière du Tibre l'an 1496, et d'un veau-moine nay à Friberg en Misne l'an 1528 [sic], qui sont vrais présages de l'ire de Dieu attestez et declarez , l'un par P. Melancthon et l'autre par M. Luther, avec quelques exemples des jugemens de Dieu en la mort espouvantable et désespoir de plusieurs, pour avoir abandonné la vérité de l'Évangile
Author: Luther, Martin, 1483-1546; Melanchthon, Philipp, 1497-1560
Edition: Taylor edition
Series: Taylor Editions: Reformation
Editor: Edited by Ksenia Dugæva, Elena Trowsdale.

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This is a facsimile and transcription of De deux monstres prodigieux, à savoir d'un asne-pape qui fut trouvé à Rome en la rivière du Tibre l'an 1496, et d'un veau-moine nay à Friberg en Misne l'an 1528 [sic], qui sont vrais présages de l'ire de Dieu attestez et declarez , l'un par P. Melancthon et l'autre par M. Luther, avec quelques exemples des jugemens de Dieu en la mort espouvantable et désespoir de plusieurs, pour avoir abandonné la vérité de l'Évangile. It is held by Bibliothèque nationale de France (shelf mark: D2-1853).

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Luther, Martin, 1483-1546; Melanchthon, Philipp, 1497-1560 De deux monstres prodigieux, à savoir d'un asne-pape qui fut trouvé à Rome en la rivière du Tibre l'an 1496, et d'un veau-moine nay à Friberg en Misne l'an 1528 [sic], qui sont vrais présages de l'ire de Dieu attestez et declarez , l'un par P. Melancthon et l'autre par M. Luther, avec quelques exemples des jugemens de Dieu en la mort espouvantable et désespoir de plusieurs, pour avoir abandonné la vérité de l'Évangile [Genève] : [Crespin, Jean], [1557]  

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